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préface

font les dignes et les libres, alors qu’ils ont le mors en bouche et le harnais au dos. Ils nient la servitude pour en encaisser les profits, de la même manière qu’ils poussent aux révolutions pour émarger à la caisse du Capital. Un critique vénal, qui dénonce la littérature industrielle et qui la pratique, m’a déjà reproché de diminuer la fonction des écrivains et de me montrer complaisant envers les pouvoirs. Il faut répondre aux misères par le mépris. Constater la puissance, ce n’est pas la subir, c’est se mettre en mesure de lui échapper. Mais on la subit, au contraire, lorsqu’on la nie par hypocrite vanité.

Rien n’est plus faux que la profonde sécurité générale. Les promesses de barbarie et d’anarchie compensent largement les autres, et, la plupart de ceux qui disent le contraire étant payés pour nous mentir, il ne faut les entendre que pour les comprendre à rebours. Ah ! que l’Intelligence use vite de ce qui lui reste de forces ! Qu’elle prenne parti ! Qu’elle décide, qu’elle tranche entre l’Usurier et le Prince, entre la Finance et l’Épée ! On l’a vu : la nature des deux puissances en conflit lui donne à elle, à elle seule, une faculté surhumaine, le don féerique de créer ou de déterminer une belle chose, quelque chose de purement, d’uniquement beau. Dans notre France des premières années du xxe siècle, l’Intelligence peut préférer, exalter et