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le romantisme féminin

français. Le bizarre peut bien avoir l’impertinence de ne pas être beau : il est moi ; que puis-je désirer de plus ! Je serai de plus en plus mienne. Je trouverai, de mieux en mieux, en mon jargon privé, les doubles et les analogues de ma nature. Rien autre au monde ne m’amuse que de rencontrer soit dans les mots, les tons et les rythmes existants, soit dans ceux qui n’existent pas encore, les correspondances exactes de cet unique élément qui m’est personnel. Je me fabrique des reflets minutieux. Voilà mon principe et ma méthode. Voilà mon art.

Le fait est que la jeune fille trouva souvent de ces ingénieuses images qui faisaient une projection vraiment pittoresque de son monde secret, de manière à causer au lecteur un degré à peu près pareil de plaisir et d’agacement :

Grand ange désailé qui rôde dans ma vie,
                    Âme, mon Âme !
Violon sans archet, triste barque sans rame.
              Âme, ô mon Âme inassouvie !
Toi qui voudrais aller autre part qu’où te mène
          Mon impuissante chair humaine,
Ô mon Âme, âme trouble, âme en peine !

Mais un jour ceci paraît fade. Le bourgeois ne s’est pas fâché suffisamment. Le philistin ne bondit pas. Les grands-parents, hélas ! menacent même de comprendre. Il faut approfondir les fossés en abîmes, élever des murailles, les hérisser de tours et les denteler d’échauguettes contre ce vulgaire public, et c’est à