dans la paraphrase et l’églogue dans un lyrisme intempestif. Voici l’équilibre rompu entre les figures vivantes et le mouvement dont on veut qu’elles soient animées : ces figures paraissent, dès lors, tout agitées et consumées du feu intérieur, en une heure où l’âme devrait se reposer, languir. Les Anciens n’auraient jamais péché ainsi contre l’ordre. Sans l’ordre qui donne figure, un livre, un poème, une strophe n’ont rien que des semences et des éléments de beauté.
Le second recueil de Mme de Noailles, l’Ombre des jours, précise la valeur de ces éléments précieux. Il achève de révéler quel trésor de puissance poétique accumulent certaines natures frémissantes.
La sensibilité diffère de l’art ; mais elle est la matière première de l’art. Un certain degré de sensibilité, également distribuée et répartie, peut suppléer à la raison et tenir la place du goût. Or, l’excès fait la loi ici. Bien plus, de cette belle et forte sensibilité naturelle, une volonté résolue abuse méthodiquement. La jeune femme ne se complaît qu’à sentir, à se voir sentante et souffrante. Sa frénésie de sentiment, toujours consciente et voulue, la dévoile, l’écorche même, afin de la faire apparaître plus nue. Le poète de l’Ombre des jours se soucie donc de moins en moins de forger des représentations cohérentes, des images suivies, mais dans la négligence, se font les rencontres heureuses :
J’entendrai s’apprêter dans les jardins du Temps
Les flèches de soleil, de désir et d’envie
Dont l’été blessera mon cœur tendre et flottant.