ner sans aucun romantisme, comme on s’en convaincra en ouvrant, n’importe où, quelque sermon de Bossuet. Très précisément, le romantisme naît à ce point où la sensibilité usurpe la fonction à laquelle elle est étrangère et, non contente de sentir et de fournir à l’âme ces chaleurs de la vie qui lui sont nécessaires, se mêle de lui inspirer sa direction. L’humeur, alors, n’est plus humeur ; non plus caprice, le caprice : tous deux sont des systèmes, et faux. Les esprits conduits à professer ce système croient ou font croire qu’il existe, au fond de chaque sensibilité particulière, un principe puissant d’unité et d’ordre. Aussi font-ils de leur personne le juge de leur destinée, et de leurs traits particuliers un modèle philosophique.
C’est ce que Rousseau ne dit pas, mais ce qu’il insinue très clairement, en tête de ses Confessions :
« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus…
Je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le Souverain Juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien, le mal avec la même franchise. »
Ce ton d’autorité qui sacre « le bien » et « le mal » comme émanations également divines du moi inaugure la morale du romantisme. Soyez bon, ou mau-