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mademoiselle monk

Il sied de relire la pièce à la lueur des renseignements biographiques recueillis sur Mlle de Coigny. Certes, le poète, comme son génie s’y plaisait, a généralisé et sublimé la belle image ; une jeune femme en péril lui a rappelé l’agonie injuste de la jeunesse. Il a posé, moins durement, mais avec force, la question de Lucrèce : Quare mors immatura vagatur ? L’âme de sa composition semble condensée dans une demi-strophe aussi impersonnelle qu’il est possible de le souhaiter :

Brillante sur ma tige et l’honneur du jardin
Je n’ai vu luire encore que les feux du matin,
                  Je veux achever ma journée.

Malgré tout, et quelque élévation qu’ait gagné la pensée, les traits particuliers de Mlle de Coigny ne se sont pas tous évanouis du poème. On peut bien supposer qu’elle s’écria presque mot pour mot :

Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort.

Aimée de Goigny était philosophe. Si elle avait suivi Aristippe plus que Zénon, sa délicate volupté donnait et recevait d’autres biens que ceux du vulgaire, quoiqu’elle y fût parfaite aussi. « Tant de beauté qu’on lui eût permis d’être sotte, et tant d’esprit qu’on lui eût pardonné d’être laide ! » Ainsi parle M. Lamy. « La grâce », dit Chénier de son côté,

La grâce décorait son front et ses discours.