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l’avenir de l’intelligence

bon soldat, un digne commis aux gabelles purent ambitionner ces honneurs ; les auteurs, point. Ces amuseurs n’étaient pris au sérieux que d’un petit cercle condescendant.

« Grâce aux dieux, la corporation écrivante se trouve égalée désormais aux premiers de l’État. Elle les passe même tous. Ils ne sont que des membres, et elle est leur tête superbe. Rien ne nous borne. Rien ne nous manque non plus : nous avions les plaisirs de la vie intellectuelle, il s’y ajoute la satisfaction des grandeurs selon la chair, pouvoir et richesse. Les Lettres et les Sciences mènent à tout. Comptez combien d’anciens élèves de l’École normale, de l’École des Chartes ou de l’École des hautes études devinrent présidents d’Assemblée, ministres d’État ! Nulle dignité ne nous pare, et c’est nous qui la relevons quand nous daignons en accepter une.

« Comment ne régnerions-nous pas ? Le plus certain des faits est que nous vivons sous un gouvernement d’opinion ; or, cette opinion, nous en sommes les extracteurs et les metteurs en œuvre. Nous la dégageons de l’inconscient où elle sommeille et nous la modelons en formules pleines de vie. Mieux que cela. À la lettre, nous la faisons, nous la mettons au monde. Par cette fille illustre, simple et sonore répercussion de notre pensée, une force des choses nous rend maîtres de tout.

« Il faut le dire sans surprise. La puissance que nous exerçons est la seule bien légitime. Soyons plutôt surpris qu’on lui mette une borne. Mais les bor-