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Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/315

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invocation à minerve

Tes Grecs athéniens étaient les plus intelligents et les plus sensibles des hommes. Ils virent donc beaucoup plus vite les maux attachés à tout bien, et le génie leur parut un don plus cruel. Les premiers ils sourirent de la vanité des passe-temps que tu fournissais et de la monotonie inséparable des successions les plus variées. Ni le plaisir de faire une œuvre, ni la joie de la posséder, ni l’ivresse d’en imaginer de nouvelles ne composent un état qui soit satisfaisant. Ouvriers, artisans, législateurs, sages ou poètes, et je dirai même amoureuses et courtisanes, ce peuple magnanime ne fut point ta dupe longtemps. Il riait de ta peine comme Apollon ton frère de l’effort des mauvais chanteurs. Sa tristesse, dorée d’une courte espérance, n’avait fait que grandir. Elle ressemblait à la nôtre, de notre temps : débordés comme nous, quoique autrement que nous, par les créatures de leur génie, ils étaient où nous en serons quand nous aurons grandi un peu au-dessus de nous-mêmes. Tu les vis, Athénienne, et ton tendre cœur se rouvrit ; mais le nouveau présent passa de beaucoup le premier.


iv

On ne l’a pas nommé encore. Je ne peux appeler un nom ces désignations flottantes, riches en équivoques, passibles d’objections de la part de tes adversaires. Tantôt l’on dit Sagesse, tantôt Mesure, ou Perfection, ou Beauté, et peut-être Goût. D’autres préfèrent Rythme, Harmonie. Et d’autres, Raison. N’est-ce pas aussi la Pudeur ? N’est-ce pas le flambeau des Compositions éternelles ? La victorieuse du Nombre, la claire et douce Qualité ?