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Page:Mauss - Essais de sociologie, 1971.pdf/194

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Essais de sociologie

Avec une autre tribu de la même région, nous allons faire un pas de plus dans la voie de l’organisation et de la systématisation. Chez les Moorawaria, de la rivière Culgoa, la segmentation des clans est encore poussée plus loin que chez les Aruntas ; nous y connaissons, en effet, 152 espèces d’objets qui servent de totems à autant de clans différents. Mais cette multitude innombrable de choses est régulièrement encadrée dans les deux phratries Ippai-Kumbo et Kubi-Murri[1]. Nous sommes donc ici tout près du type classique, sauf l’émiettement des clans. Que la société, au lieu d’être à ce point dispersée, se concentre, que les clans, ainsi séparés, se rejoignent suivant leurs affinités naturelles de manière à former des groupes plus volumineux, que, par suite, le nombre des totems principaux diminue (les autres choses, qui servent présentement de totems, prenant, par rapport aux précédents, une place subordonnée) et nous retrouverons exactement les systèmes du Mont-Gambier.

En résumé, si nous ne sommes pas fondés à dire que cette manière de classer les choses est nécessairement impliquée dans le totémisme, il est, en tout cas, certain qu’elle se rencontre très fréquemment dans les sociétés qui sont organisées sur une base totémique. Il y a donc un lien étroit, et non pas un rapport accidentel, entre ce système social et ce système logique. Nous allons voir maintenant comment, à cette forme primitive de la classification, d’autres peuvent être rattachées qui présentent un plus haut degré de complexité.


III

Un des exemples les plus remarquables nous est offert par le peuple des Zuñis[2].

  1. Il n’y a pas dans cette tribu de noms connus qui désignent spécialement les phratries. Nous désignons donc chacune d’elles par les noms de ses deux classes matrimoniales. On voit que la nomenclature est celle du système kamilaroi.
  2. Les Zuñis ont été admirablement étudiés par M. Cushing. Ils sont à la fois, dit cet auteur, « parmi les plus archaïques » et parmi « les plus développés ». Ils ont une admirable poterie, cultivent le