À la fin de la première année, le missionnaire revint de nouveau, et fut heureux de voir Marc tout à fait consentant à rester encore un an sur la ferme. Pierre et sa femme en furent aussi très satisfaits ; ils avaient fait une meilleure année, les grains avaient mûri, tout s’était bien vendu. On avait même pu acheter pour Marc des vêtements neufs, ses habits de garçonnet, devenus trop petits, avaient été refaits pour Pierrot et pour le petit Paul.
Au printemps suivant, Marc commença à désirer voir un peu de pays… C’était presque un homme maintenant… il allait avoir seize ans ! Toujours il avait eu le désir d’être soldat, et à présent, dans ce printemps agité de 1758, la nostalgie d’un autre genre de vie le possédait tout entier.
Il s’en ouvrit à Pierre et lui dit qu’il partirait aux derniers jours de juin, à l’expiration de sa seconde année d’engagement…
Le brave colon en eut un chagrin réel, mais il comprit que Marc n’était plus un enfant et s’il désirait la vie militaire, il n’y avait pas à discuter !
D’ailleurs, un ordre de la milice allait peut-être bientôt mobiliser tous les hommes… depuis seize ans, disait-on… alors… il fallait bien se résigner !
Mais lorsque vint l’heure de la séparation, quelques semaines plus tard, Pierre et sa femme eurent peine à cacher leur chagrin du départ de ce jeune frère d’adoption.
Marc leur serra affectueusement la main, embrassa les enfants et sans autres bagages qu’un petit sac de provisions préparé par la fermière, il partit vers les hauteurs de Carillon où le fort était gardé par les soldats du général Montcalm.