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MOMENT DE VERTIGE
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Malgré l’atmosphère surchauffée du compartiment, le train filait depuis près d’une heure sans que Marthe eut enlevé sa pelisse et son chapeau ; la solitude, la tranquillité eurent d’abord un effet bienfaisant sur ses nerfs et une accalmie sembla se faire en elle ; mais bientôt l’agitation la reprit. Elle ouvrit sa petite malle pour en sortir un mouchoir et en remuant les vêtements, elle revit les portraits de ses parents. Instinctivement elle détourna la tête… puis, se dominant, elle les prit et les regarda. Pouvaient-ils, ces chers disparus, la voir, la plaindre, l’excuser… puisque sûrement ils ne pourraient pas la bénir ! Aux yeux fiévreux de la malheureuse jeune fille le doux regard de sa mère semblait voilé de larmes… la figure souriante de son père apparaissait rigide, sévère… Il lui sembla l’entendre lui dire : « Toi, toi, notre petite enfant bien-aimée ! Toi dont nous avions consacré l’enfance à la Vierge Marie ! Toi, qui au jour de ta première communion jurais, dans ta foi enfantine de garder toujours le chapelet que nous t’avions donné ! Toi, dont nous étions si fiers ! Non, non, cette femme qui s’en va renier sa foi en épousant un divorcé, ce n’est pas notre Marthe ! »… L’hallucination, due à son état d’énervement, à son angoisse morale et au manque de nourriture (elle n’avait rien pris depuis le matin) devint si forte que Marthe plongea la main dans sa sacoche et en retira un petit étui en cuir défraîchi et usé et qui