doute que devant le public ; commodément assis, il ramait, de manière à atteindre la rive un peu plus loin.
Halef ne me quittait pas des yeux ; il semblait chercher à deviner ma pensée et me demanda avec une certaine inquiétude :
« Est-ce que tu le vois encore, Sidi ?
— Oui.
— Il croit que nous ne pouvons plus l’apercevoir, il cherche à aborder.
— C’est cela même. Qu’en dis-tu ?
— Allah seul peut tout savoir, son regard perce la nuit du secret.
— Et que crois-tu qu’Allah ait vu en regardant cet homme ?
— Il a vu un fourbe, qui n’est ni derviche ni fakir.
— Ah !
— Oui, Sidi ; as-tu jamais entendu un derviche de la secte des Kaderyeh chanter les litanies des derviches hurleurs ?
— C’est juste ; mais, à ton avis, quel est son but en se faisant passer pour ce qu’il n’est pas ?
— C’est ce qu’il faudrait savoir, Sidi ; pourquoi, après avoir prétendu qu’il allait continuer sa route, essaye-t-il maintenant d’aborder ? »
Le pilote vint en ce moment vers nous et me demanda :
« Où veux-tu dormir, Sidi ?
— Dans le pavillon.
— Cela ne se peut.
— Et pourquoi ?
— Parce que l’argent y est enfermé.
— Eh bien, procure-nous des tapis, nous coucherons sur le pont.
— Tu en auras, Sidi. Dis-moi, que ferais-tu si l’ennemi venait cette nuit ?
— Quel ennemi ?
— Les voleurs.
— Les craignez-vous ?
— Les Djeheïnes campent dans le voisinage ; ce sont de subtils brigands, on n’est jamais en sûreté quand on se sent près d’eux.
— Je pense que votre maître, le mergi-bachi Mourad Ibrahim, qui est un héros et le plus vaillant homme de la terre, se prépare à les écraser comme des mouches.