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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/104

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sur les bords du nil

C’était une belle nuit que celle-là, une de ces nuits où la nature semble reposer avec confiance, où aucun élément ne s’agite, où rien ne trouble le calme du sommeil planant sur la moitié du monde.

Le vent léger qui s’était élevé un instant, au moment du crépuscule, venait de cesser ; la paix régnait autour de nous ; les étoiles de l’Orient brillaient d’un doux et vif éclat sur le fond bleu sombre du ciel. Les eaux du vénérable fleuve coulaient lentement et sans bruit dans leur lit immense. Cette calme nature influait sur mon imagination ; je n’étais nullement inquiet, quoique je ne cherchasse point à me dissimuler les dangers où nous nous engagions.

On peut trembler devant une entreprise difficile ; mais, une fois les choses préparées, les voies ouvertes, les chances discutées, il faut avancer en arrêtant le combat intérieur qui paralyserait l’action. Un enlèvement était-il d’absolue nécessité ? non sans doute ; on eût pu citer Abrahim devant la justice. Malheureusement, dans ce pays, la justice n’est jamais exempte de pression. Nous ne savions pas quels moyens eût employés Mamour pour soutenir son prétendu droit sur la jeune fille, et il n’y avait pas de temps à perdre si nous voulions la tirer de ses mains.

Il fallait donc avancer résolument et presque en fermant les yeux.

Au bout d’une heure nous vîmes se dresser la sombre silhouette du vieux bâtiment ; nous longeâmes la rive avec précaution, et je descendis seul pour faire une reconnaissance des lieux.

Tout me sembla fort calme dans les environs ; pas un signe de vie autour de ces murailles. A l’intérieur aussi, tout dormait sans doute. Je remarquai à l’entrée du canal la barque d’Abrahim, attachée par une chaîne. J’ordonnai à nos deux serviteurs, de la conduire : un peu plus loin et de la faire enfoncer en la chargeant de pierres, les avertissant de se tenir ensuite à une distance assez rapprochée cependant pour qu’ils pussent nous prendre au premier signal. Isla vint me rejoindre sur le bord, puis nous glissâmes à l’entrée du canal. L’eau noirâtre de ce conduit n’invitait guère au bain ; j’en éprouvai la profondeur avec une pierre, elle ne me parut pas dangereuse. Le jeune négociant se dépouilla de ses habits ; il fut bientôt dans l’eau jusqu’au menton.