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sur les bords du nil


s’abaissa tout d’un coup en touchant presque la surface de l’eau, ce qui me fit supposer que le bassin était tout proche. À cet endroit, le canal formait un conduit rempli entièrement par l’eau, de sorte qu’il allait être très difficile de respirer. Il faudrait plonger et nager sous l’eau, chose périlleuse et malaisée. D’ailleurs, si je rencontrais un nouvel obstacle, comment le franchir et comment retourner en arrière pour reprendre haleine ? Qui me répondait, de plus, que la cour ne fût point gardée, et qu’allait-il arriver en admettant que je pusse sortir du bassin ?

Malgré ces réflexions aussi désagréables que rapides, je n’aurais pas renoncé à mon entreprise pour tout l’or du monde. Je pris de l’air à pleins poumons, puis je m’engageai dans l’étroit conduit.

Je commençais à souffrir du manque de respiration, lorsque je sentis avec la main un nouvel obstacle. C’était une plaque de plomb percée de trous et fermant le canal ; elle faisait l’office d’une sorte de filtre pour arrêter les impuretés de la vase et autres objets entraînés par l’eau.

Cette découverte me jeta dans une véritable perplexité. Impossible de reculer, car avant que j’aie regagné l’endroit où la voûte du canal était assez haute pour laisser suffisamment d’aération, je serais asphyxié ; mais comment franchir cet obstacle ? Le dilemme n’était pas gai : ou il me fallait périr misérablement étouffé dans cette eau saumâtre, ou je devais réussir à briser une pareille barrière ; il n’y avait pas un moment à perdre.

Je me collai à cette grille, la poussant, la tirant de toute la force que donne une suprême angoisse ; je ne l’ébranlai point. L’eussé-je fait céder, si la barrière ne donnait pas immédiatement sur le bassin, je n’en étais pas moins perdu. Je n’avais plus que pour une seconde de souffle et d’énergie. Je sentais comme un poids terrible peser sur mes poumons et briser tout mon être. Une seule et unique ressource me restait… O mon Dieu ! mon Dieu ! faites qu’elle réussisse ! répétais-je intérieurement.

Il me semblait que la main de la mort se posait humide et lourde sur mon cœur ; le pouls battait à peine, les idées s’enchevêtraient, l’âme luttait avec toutes ses puissances contre l’horreur de cette mort ; les muscles se contractaient comme dans l’angoisse de l’agonie. Pas un bruit autour de moi ; le silence de la tombe, et quelle tombe ! Mais dans cette lutte suprême