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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/122

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sur les bords du nil

Aussitôt on nous rassembla et on nous transporta sur le quai. Sénitza, soigneusement voilée, fut enfermée dans une chaise à porteurs ; nous suivîmes à pied. Toute la population, vieux et jeunes, petits et grands, nous servit de cortège. J’allais en avant ; l’ex-barbier marchait à mes côtés en sifflant son refrain allemand.

Nous trouvâmes le Zablié-bey (chef de la police) en séance avec son greffier, tout prêt à nous condamner. Il portait les insignes militaires ; mais son aspect n’était point du tout martial, et son visage n’avait rien d’intelligent.

En apercevant Abrahim Mamour, qu’on lui disait mort, il témoigna beaucoup de joie, beaucoup de déférence, et le félicita vivement. Quant à nous, on nous accueillit avec un profond dédain.

Nous fûmes séparés en deux bandes : Abrahim et ses gens prirent place près du fonctionnaire ; Hassan, Sénitza, Isla, votre serviteur, Halef et l’ex-barbier allemand, debout, figuraient le banc des accusés.

« Veux-tu fumer ? demanda respectueusement le Zablié-bey à Abrahim.

— Oui, fais apporter une pipe. »

Le fameux gouverneur s’installa sur un tapis, prit une pipe des mains de l’esclave, puis l’audience commença.

« Excellence, dis-moi ton nom béni d’Allah, demanda le juge en s’inclinant.

— Abrahim Mamour.

— Mamour de quelle province ?

— D’En-Nassar.

— J’écoute ta déposition, Excellence.

— Je viens porter plainte contre ce giaour, un hékim infidèle ; il a commis une tchikarma. L’homme qui se tient à côté de lui a pris part à ce crime ; le capitaine de la dahabïe est leur complice. A toi, ô bimbachi[1], de déterminer la part que les matelots de la dahabïe et les serviteurs de cet homme ont eue au forfait.

— Raconte-moi les circonstances du rapt. »

Abrahim fit un récit circonstancié de l’événement, puis les témoins à charge confirmèrent sa déposition, ajoutant que

  1. Commandant de cents soldats.