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les pirates de la mer rouge

« Allons, lève-toi. Viens ! »

J’obéis avec toute la promptitude qui m’était possible ; on me conduisit dans l’entre-pont, où je trouvai, à ma grande surprise, tous mes effets intacts ; rien n’y manquait, excepté mes armes.

Arrivé sur le pont, je m’aperçus que j’avais quitté le sambouk. J’étais à présent sur un petit navire muni de deux voiles triangulaires avec une voile supplémentaire en trapèze. Ce genre de voilure devait exiger, dans une mer si remplie d’écueils, si sujette aux tempêtes, si dangereuse en tous temps, un commandement hardi, exercé, imperturbable. L’équipage de notre vaisseau me parut beaucoup plus nombreux que ses dimensions ne le comportaient. Je remarquai à l’arrière un petit canon masqué par des ballots, des caisses, des tonneaux, des objets de toutes sortes.

Les matelots étaient des hommes brunis par le soleil, accoutumés à la fatigue, d’une mine plus que suspecte, et portant tous à la ceinture un véritable arsenal de pistolets, de coutelas, etc.

A l’arrière se tenait un personnage que je reconnus pour mon fameux derviche.

Il avait de larges pantalons rouges, un caftan bleu et un turban vert ; sa longue veste était richement brodée d’or ; une ceinture de cachemire magnifique retenait ses armes, brillantes de pierreries.

Je vis près de lui l’Arabe avec lequel nous nous étions pris de querelle sur le sambouk. On me conduisit devant ces deux chefs. L’Arabe me lança un regard haineux ; le derviche me toisa dédaigneusement.

« Sais-tu qui je suis ? me demanda-t-il.

— Non, mais je crois le deviner.

— Qui donc ?

— Abou Seïf.

— Tu dis vrai. A genoux devant moi, giaour !

— Y penses-tu ! N’est-il point écrit dans le Coran qu’on ne doit adorer qu’Allah ?

— Cela ne te concerne pas, puisque tu es un infidèle. Je t’ordonne de t’agenouiller devant moi pour me témoigner ta soumission.

— Je ne sais pas encore si tu mérites ma considération ; le saurais-je, que je ne te la prouverais pas de cette sorte.