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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/170

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les pirates de la mer rouge

— Deux piastres.

— Amène tes montures. »

L’homme s’éloigna gravement, entra dans un petit enclos, puis ramena deux ânes si petits, qu’on eût dit qu’ils allaient s’échapper entre nos jambes.

« Pourront-ils nous porter ? demandai-je.

— Sidi, un seul nous porterait tous les trois. »

J’hésitai pourtant à peser sur cette petite bête ; mais le vaillant âhon ne sembla nullement surchargé ; il se mit tout de suite au trot ; en quelques minutes nous eûmes franchi la distance qui nous séparait de la ville.

À peine dépassions-nous la porte, qu’une voix rude m’arrêta.

« As-tu payé ? » demandait la voix.

Dans les ruines de la muraille, je distinguai un trou noir et carré ; par ce trou passait une tête, et sur le visage de cette tête trônait une énorme paire de lunettes. Sous les lunettes se montrait un nez crochu, et sous ce nez une ouverture édentée qui avait proféré l’exclamation que je venais d’entendre.

« Quel est cet homme ? dis-je à mon guide.

— C’est le percepteur de l’impôt pour le Grand Seigneur. »

Je fis approcher mon âne pour me donner le plaisir d’exhiber mon passeport, et je demandai :

« Que veux-tu ?

— De l’argent.

— Regarde. »

Je présentai le cachet de Sa Hautesse devant les formidables lunettes.

« Ah ! pardonne, Seigneur ! »

Tout d’un coup la tête disparut ; je vis s’échapper, par-dessus un pan ruiné de la vieille muraille, ume forme maigre et décharnée, portant un antique uniforme de janissaire : larges pantalons bleus, bas rouge, veste verte, et sur la tête une sorte de turban blanc agrémenté d’une bourse retombant par derrière. C’était le vaillant radjal-el-mal (le receveur).

« Pourquoi se sauve-t-il ? demandai-je à mon conducteur.

— Tu as un bouyouroultou, tu ne dois rien payer ; il t’a offensé en te demandant l’impôt ; il craint ta colère. »

Nous continuâmes notre route et arrivâmes bientôt devant la porte d’une maison dont la construction me parut une merveille