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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/174

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les pirates de la mer rouge

— Vraiment ! je n’en pouvais croire mes oreilles, vous avez la mine si orientale ! Puis-je vous demander qui vous êtes ?

— Un écrivain en voyage. Et vous ?

— Moi ?… un… un… hum ! un violoniste comique, un cuisinier de navire, un secrétaire privé, un marchand, un veuf, un rentier, un touriste retournant chez lui. »

Là-dessus il s’inclina d’une façon si drôle, que je ne pus m’empêcher de rire.

« Alors vous en avez assez des voyages ? demandai-je.

— Oui, je vais rentrer à Trieste, à moins que d’autres idées ne me prennent en route.

— Que faites-vous ici ?

— Rien. Et vous ?

— Rien non plus, j’y arrive.

— Pour moi, j’y suis depuis quatre jours ; je vous piloterai, venez dîner chez moi.

— Tout de suite ?

— Oui, venez, ce n’est pas loin. »

Il paya son batelier, puis nous nous acheminâmes ensemble vers le port, et de là en ville, où nous nous arrêtâmes bientôt devant une petite maison d’un étage ; il entra le premier. Le corridor divisait la demeure en deux ; nous pénétrâmes à droite, dans une chambre assez exiguë, dont le mobilier consistait en un large divan de bois sur lequel une natle était étendue.

« Voilà ma chambre, me dit l’inconnu. Asseyez-vous à la turque. »

Pendant que je m’installais, il ouvrit un coffre déposé dans un coin.

« Pour un tel hôte, dit-il, on doit déployer sa batterie de cuisine. »

Il tira successivement un pot rempli de pommes cuites la veille, sur la machine à esprit de vin, et cuites on peut deviner comment ; puis des gaufres faites dans le couvercle d’une boîte à tabac en fer-blanc, un reste de pain anglais, dur comme de la pierre ; mais nous avions de bonnes dents. De plus, un saucisson de Bombay, un peu rance, et du vrai cognac qu’il fallut boire à même dans la bouteille, faute de verre. Enfin, pour le dessert, mon ex-cuisinier retrouva un morceau de fromage au fond de sa caisse. Tout cela n’était pas très appétissant, mais tout cela rappelait un repas