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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/183

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les pirates de la mer rouge


mon nouveau compagnon avait de quoi surprendre, même dans un lieu où l’on en voit de toutes les formes et de toutes les couleurs. Nous parvînmes sans trop de difficulté jusqu’à la porte.

Dès que nous fûmes dehors, il nous fallut traverser le campement des Nubiens, puis nous atteignîmes ce désert privé de toute végétation qui s’étend autour de la banlieue de toutes les villes du Hedjaz.

Jusque-là, nos chameaux marchant d’un pas tranquille, Àlbani se tenait tant bien que mal en selle, quoiqu’il commençât à ressentir ce mal de mer si étrange dans un pays où il n’y a pas la moindre apparence de liquide.

Il allait à droite, à gauche, en avant, en arrière sur sa monture ; son fusil se détachait presque de son dos et pendait au bout de la courroie, tandis que son grand sabre battait les flancs de son chameau.

L’Autrichien chantait pour faire bonne contenance ; mais quand sa bête se vit en pleine campagne, elle prit un trot si dur, que le cavalier novice ne savait plus à quel saint se vouer. Un nuage de poussière plus épais qu’un brouillard de Londres nous entourait. Notre homme, tout à fait ahuri, se servant de son bâton comme d’un balancier, serrant son fusil de la main gauche, avait une mine si comique et si effarée, que je ne pouvais m’empêcher de rire. Il recourait aux interjections de toutes les langues de son vocabulaire, et serait mille fois tombé sans l’intervention patiente de Halef.

Je finis par les laisser tous deux un peu en arrière ; je descendis au grand trot dans la plaine ; mes compagnons m’y rejoignirent bientôt. Albani se trouvait moins secoué dans ce chemin uni ; la promenade commença enfin à devenir plus calme.

Nous cheminions depuis une heure lorsque nous aperçûmes, à la distance d’un demi-mille, se dessiner la silhouette d’un cavalier arabe monté sur un chameau. La bête, autant qu’on en pouvait juger par son allure et sa forme, était excellente. Au bout de dix minutes, nous nous rapprochâmes de manière à reconnaître parfaitement la monture et le cavalier. Celui-ci portait le costume d’un riche Bédouin ; le capuchon de son burnous était rabattu sur son visage. Quant au chameau, il valait à lui seul plus que les trois nôtres ensemble.