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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/200

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les pirates de la mer rouge

Il remua la tête d’un air songeur.

« Sidi, cela ne peut aller ; non, elle est ma fiancée, quand même ce ne serait qu’en l’air ; je veux lui donner quelque chose. Et que penseraient de toi ces Ateïbeh, s’ils voyaient ton serviteur prendre femme sans faire le moindre cadeau ! »

Je devinai bien où le rusé matois voulait en venir ; il brûlait d’offrir un présent à son Hanneh, mais aux dépens de ma bourse, et cherchait à piquer mon amour-propre pour me décider à l’aider généreusement. Je fis la sourde oreille.

« Qu’Allah éclaire ton esprit, Halef ! soupirai-je ; je suis comme toi, je ne puis offrir à ta fiancée ni mon haïk, ni ma veste, ni mon fusil.

— Allah est juste et miséricordieux, Sidi ; il rend au centuple les dons qu’on fait sur la terre. Ton chameau ne porte-t-il pas une petite valise de cuir dans laquelle tu caches des choses qui raviraient une fiancée ?

— Et quand Hanneh ne sera plus ta femme, me rendra-t-elle mon présent ?

— Tu pourras le lui redemander, Effendi.

— Ce n’est pas la coutume chez nous autres Francs ; mais enfin, puisque tu me rappelles avec quelle largesse Dieu récompense nos dons, je vais ouvrir mon sac et chercher si quelque objet pourrait te convenir. »

Le petit homme se souleva joyeusement sur sa selle en s’écriant :

« Tu es le plus sage, le meilleur Effendi qu’Allah ait créé ! Ta bonté est plus vaste que le Sahara, ta générosité est large comme le Nil ! Ton père était le plus célèbre de tous les hommes, et ton grand-père surpassait en honneur tous les princes du Nemsistan. Ta mère était belle comme la rose, et la mère de ta mère passait pour la fleur la plus charmante de tout l’Occident. Puissent tes fils être plus nombreux que les étoiles du ciel, tes filles se multiplier comme les grains de sable du désert, et les enfants de tes enfants atteindre le nombre des gouttes d’eau que renferme la mer ! »

Heureusement nous arrivions au camp, sans quoi, dans sa reconnaissance, Halef m’aurait fait épouser toutes les femmes de l’univers, y compris les Samoyèdes, les filles des Esquimaux, des Lapons et des Pieds-Noirs.