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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/233

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une bataille au désert


veste à carreaux gris, un pantalon à carreaux gris, enfin une paire de bottes grises de poussière.

L’homme aux carreaux gris tenait de la main droite une sorte d’instrument semblable aux hoyaux de mon pays, de la gauche un pistolet à deux coups.

Un journal plié en plusieurs doubles sortait de la poche placée sur le côté de la veste du singulier quidam.

« Ver bana kahvé (donnez-moi du café),» dit d’une voix glapissante mon inconnu, et il s’assit sur une senïeb, sorte de table qui ne servit jamais de chaise. Là il reçut imperturbablement sa tasse, dans laquelle je le vis plonger son long nez pour flairer l’odeur ; après quoi il jeta le contenu du vase dans la rue et posa la tasse à terre, en demandant du tabac.

On lui apporta une longue pipe, dont il tira un peu de fumée qu’il rendit par les narines, puis il se mit à cracher et plaça tranquillement la pipe près de la tasse.

« Ver bana…, » commença-t-il ; mais le mot turc ne lui revint pas, et il semblait très peu ferré sur l’arabe. Après avoir bredouillé quelques paroles inintelligibles, il se décida soudain à s’écrier : « Ver bana roastbeef ! »

Les employés du café ne le comprirent pas. Alors notre insulaire, imitant avec ses doigts et sa bouche l’action de manger, répéta très haut :

« Roastbeef !

— Il demande du kébad, » dis-je au maître d’hôtel arabe, lequel disparut aussitôt pour revenir avec un petit carré de viande rôti à la broche. Mon intervention avait étonné l’Anglais.

« Arabe ? me demanda-t-il sommairement.

— Non.

— Turc ?

— Non. »

Les minces sourcils du voyageur s’élevèrent en haut avec l’expression de la surprise ; il reprit :

« Anglais ?

— Non, Allemand.

— Ah ! oh ! que faites-vous ici ?

— Je prends du café.

— Ah ! vraiment ! Votre profession ?

— Écrivain.