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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/251

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une bataille au désert


cheikh. Ce fils était brave, généreux, il aimait la vérité ; il dit au cheikh de la ferka :

« Suis-moi. Je jure, par Allah, que tu seras en sûreté dans la tente de mon père. » L’autre répondit : « Je ne voulais point aller vers ton père, malgré tous ses serments et toutes ses promesses ; mais je crois en toi ; pour te témoigner ma confiance, je t’accompagnerai sans aucune suite. »

« Ils montèrent à cheval, chevauchèrent ensemble, et arrivèrent au camp. Lorsqu’ils entrèrent dans la tente, ils la trouvèrent pleine de guerriers. On fit asseoir le cheikh près du grand chef ; il prit part au repas, on le combla de paroles d’amitié. Mais après le festin on se saisit de lui pour le tuer. Le fils du chef voulut s’interposer ; on lia le fils du chef. L’oncle du chef prit la tête du cheikh entre ses genoux pour l’égorger comme on égorge un mouton. Alors le jeune homme, qui avait donné sa parole à la malheureuse victime, se débattit entre les mains de ceux qui le retenaient, déchira ses habits et fit de sanglants reproches à son père. Son père l’eût tué si des amis ne l’eussent entraîné dehors. Connais-tu cette histoire, cheikh Mohammed Emin ?

— Je ne la connais pas ; c’est une histoire qui n’est jamais arrivée.

— Elle est arrivée, et dans ta propre tribu. Faut-il te dire les noms ? Le traître s’appelait Nedjris, son fils Ferhan, son oncle Hadjar, et le cheikh assassiné était le fameux cheikh Sofak, de la race des Chammar.

— Comment as-tu connu ces noms ? Tu n’es point un Chammar, ni un Obeïd, ni un Abou Salmoun. Tu parles le langage des Arabes de l’ouest ; tes armes ne sont pas celles des guerriers, d’Al Djezirah[1]. Qui a pu te raconter cette histoire ?

— La honte d’une tribu s’étend au loin, les peuples se la racontent. Tu le vois, je t’ai dit la vérité. Comment pourrais-je me fier à toi ? Tu es un Haddedîn ; les Haddedîn appartiennent à la race des Chammar. De plus, tu nous as refusé l’hospitalité. Nous partons. »

Le vieillard leva les bras et fit un geste de mécontentement en disant :

  1. Mot à mot : de l’île. Les Arabes désignent ainsi la contrée qui s’étend entre l’Euphrate et le Tigre.