Aller au contenu

Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
252
une bataille au désert

— Il sera le bienvenu, le très bienvenu. Raconte-moi, ô émir, raconte-moi tout ce que tu sais de mes frères les’Ateïbeh. »

Il se rassit ; je l’imitai ; puis je lui fis le récit de ma rencontre et de mes voyages avec la tribu, du moins dans les détails qui pouvaient l’intéresser.

« Pardonne, émir, me dit-il affectueusement, je ne pouvais deviner ces choses. Tu marchais à côté de ces Anglais, et je hais les Anglais ! N’importe ; ils seront mes hôtes avec toi. Permets que j’aille faire préparer le repas. »

Il m’avait touché la main, j’étais désormais en sûreté dans sa tente ; je tirai de ma poche le flacon de l’eau du Zem-Zem, et lui dis :

« Tu vas près de la bent amoun[1] pour faire préparer le repas ?

— Oui.

— Eh bien ! salue-la de ma part et bénis-la avec quelques gouttes de cette eau. J’ai rempli ce flacon à la fontaine du Zem-Zem ; qu’Allah soit avec elle !

— Sidi, tu es un vaillant héros et de plus un grand saint ! Viens, tu verseras toi-même l’eau sur elle ; Les femmes des Chammar laissent voir leur visage. »

Je connaissais cette particularité de mœurs chez les Chammar, et j’avais rencontré sur ma route beaucoup de femmes non voilées ; mais ce qui m’intéressait le plus était de pénétrer dans l’endroit réservé à la population féminine de la tente. Nous nous levâmes ; le trajet ne fut pas long ; tout près de la tente du vieux cheikh, celle des femmes venait d’être dressée. Quand nous y pénétrames, cinq femmes étaient diversement occupées. Deux d’entre elles pilaient l’orge entre des pierres ; une troisième surveillait l’opération assise dans un endroit élevé. C’était sans doute la femme en titre, la maîtresse de céans. Les deux autres appartenaient à la race nègre et servaient comme esclaves.

Dans un coin de la tente, je remarquai de nombreux sacs de riz, de dattes, de café, d’orge, de fèves, sur lesquels on avait étendu de précieux tapis ; c’est sur ce singulier trône que nous reçut la femme du cheikh.

  1. Bent amoun signifie proprement la cousine. C’est une des formes sous lesquelles les Arabes déguisent le nom de leurs fenimes quand ils sont contraints d’en parler.