— C’est possible, mais moi je veux te parler. Allons, assieds-toi, ou bien… » Je montrai mon revolver, que je gardai au poing. L’Arménien finit par s’asseoir près de moi.
« Tu n’es point un Oulad Hamalek.
— Si.
— Tu ne viens pas de Gaffa.
— Je te dis que j’en viens.
— Combien y a-t-il de temps que tu voyages en suivant l’ouad Tafaoui ?
— Mais que t’importe ?
— Il m’importe beaucoup. Là-bas j’ai trouvé un homme mort, c’est toi qui l’as tué. »
Le brigand fronça les sourcils.
« Quand cela serait, qu’aurais-tu à dire ?
— Un mot seulement : quel était cet homme ?
— Je ne le connaissais pas.
— Pourquoi as-tu tué son chameau ?
— Parce que cela me plaisait.
— Cet homme était-il un fidèle croyant ?
— Non, c’était un giaour.
— Et tu as pris ce qu’il portait sur lui ?
— Fallait-il le laisser ?
— Non, car tu le prenais pour moi.
— Pour toi ? je ne comprends pas.
— Tu vas me comprendre : le mort était un giaour ; moi aussi je suis un giaour, je le vengerai !
— Avec le sang ?
— Non, car ce serait déjà fait. Écoute : nous sommes au désert ; là il n’y a d’autre loi que celle du plus fort. Je ne veux pas éprouver lequel des deux est le plus fort, je te voue à la vengeance divine. Dieu, qui voit tout, ne laisse aucun forfait impuni. J’exige seulement, entends-tu bien, que tu me rendes tout ce que tu as pris au mort. »
Il se mit à rire.
« Crois-tu, dit-il, que je ferai cela ?
— Oui.
— Essaye de toucher à mon butin ! »
Il dirigea sur moi son revolver ; j’en fis autant vis-à-vis de lui : la situation n’était pas rassurante. Mais mon adversaire était lâche, je le voyais bien. Il se rassit et me demanda :