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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/304

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une bataille au désert


mon coursier noir l’effet du secret de l’Arabe, Le cheval de Mohammed me portait en dévorant l’espace ; il semblait joyeux de sa course folle, il hennissait de plaisir, lorsque je plaçai ma main entre ses deux oreilles et lui dis, me courbant sur son front : « Rih ! »

A cet appel, la noble bête frémit ; on eût cru voir son corps s’amincir et s’allonger comme pour mieux fendre l’air. Jusqu’alors le brave animal avait pris un galop qui eût laissé en arrière cent des meilleurs chevaux ; à cette heure, il allait comme le vent ; il se surpassait lui-même comme le vol de l’hirondelle surpasse celui de la sarcelle. La vitesse d’une locomotive lancée à toute vapeur, celle du chameau de course le plus rapide, ne sont rien à côté de cet élan, auquel je ne saurais que comparer. Mohammed Emin ne disait pas trop quand il me répétait : « Fusses-tu environné de mille ennemis, ton cheval te ferait passer à travers. »

Je ne me sentais pas de joie et d’orgueil en me laissant aller à la course de cet incomparable animal. Cependant je ne voulais point épuiser inutilement ses forces ; je le caressai doucement sur le cou pour le modérer. Le bon cheval hennit sous cette caresse ; il tourna vers moi sa belle tête, comme pour me dire qu’il comprenait ma satisfaction. Nous entrâmes au camp ; il m’avait fallu, pour revenir, le tiers du temps que j’avais mis à aller.

J’aperçus, près de la tente du cheikh, une quantité de chevaux et de chameaux montés par des formes noires que l’obscurité m’empêchait de distinguer. En pénétrant près du cheikh, je fus agréablement surpris de trouver mon ami Malek, auquel on faisait une réception très cordiale.

L’Ateïbeh me reconnut avec joie ; me tendant les deux mains, il s’écria :

« Salam ! mes yeux sont heureux de te revoir ; mes oreilles entendent ton pas avec ravissement…

— Allah bénisse ta venue ! Il a fait une merveille en t’amenant sitôt ici, répondis-je.

— Tu dis vrai ; mais le courrier que tu nous avais envoyé nous a trouvés à mi-chemin ; presque aussitôt le départ de Halef j’ai su, par un berger à la recherche de ses troupeaux, que le cheikh dont le campement était le plus proche se nommait