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UNE AVENTURE EN TUNISIE

ralentir le pas, afin qu’ils ne nous vissent point venir derrière eux.

Les amoncellements de sable qui avoisinent le ruisseau de Tarfaoui descendent en pente douce jusqu’à une plaine assez vaste, à l’extrémité de laquelle nous aperçûmes Seddada. Le soleil se couchait alors, et la lune montait lentement au-dessus de l’horizon. Halef, se tournant vers moi, me demanda si je comptais descendre avant qu’il fît nuit.

« Non, répondis-je, il vaut mieux nous arrêter dans ce bois d’oliviers là-bas aux flancs du djebel (montagne). »

En nous écartant un peu de la route, nous entrâmes dans le bosquet, qui offrait un abri très commode pour le bivouac. Nous étions habitués aux hurlements des chacals et aux lugubres appels des hyènes errantes ; cette gamme nocturne ne troublait plus notre sommeil. Lorsque nous nous éveillâmes, dès le matin, mon premier soin fut de me mettre à la recherche de nos maraudeurs, quoique je désespérasse un peu de pouvoir suivre leur piste aux environs d’une ville et sur une route assez fréquentée. Cependant je parvins à reconnaître les sabots des deux chevaux, fort bien marqués sur le sable non loin de notre campement. Les pas étaient tournés non du côté de Seddada, mais vers le sud, en faisant un écart anguleux.

« Pourquoi ne sont-ils pas descendus ? disait Halef avec inquiétude.

— Pour ne point se faire voir. Des gens de leur espèce doivent être prudents.

— Mais où vont-ils ?

— Probablement vers Kris pour traverser le Djerid, qu’ils veulent mettre entre eux et l’Algérie ; une fois là, ils seront presque en sûreté.

— Ne sommes-nous pas déjà en Tunisie ? les frontières vont du Bir Khalla au Bir el Tam, en passant par le chott Rharsa.

— Ce n’est point encore assez sûr pour eux ; je parierais qu’ils essayeront d’atteindre Koufarah, au delà du Fezzan. Arrivés dans ces contrées, ils pourraient compter sur l’impunité.

— Bah ! ils seraient tout aussi tranquilles ici, pourvu qu’ils aient un boudjourouldou (passeport) du sultan.

— Il ne leur servirait de rien contre les consuls ou les agents de la police.