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UNE AVENTURE EN TUNISIE

« Pardonne-moi ! la joie de te revoir est cause de ma faute. Tu viens de Kris, chez mon père ?

— Oui.

— Où est-il ? Il ne doit pas être loin d’ici ; il ne t’aurait pas laissé t’aventurer seul sur le chott.

— Il est tout proche d’ici, murmura Halef.

— Où ?

— Omar ben Sadek, il convient au croyant de se montrer fort devant l’épreuve.

— Parle, Halef ; un malheur est arrivé ?

— Oui.

— Mais lequel ?

— Allah a réuni ton père à ses pères. »

Le jeune homme resta immobile devant nous, sans pouvoir prononcer un seul mot ; son visage devenait d’une effrayante pâleur ; il fixait sur Halef des yeux épouvantés. Enfin il parla, mais d’une façon toute différente de celle que j’eusse supposé.

« Quel est ce Sidi ? demanda-t-il.

— C’est Kara ben Nemsi ; je l’avais présenté à ton père…, puis des brigands nous ont rejoints sur le Chott, et…

— Mon père vous guidait ?

— Oui, les brigands ont suborné Arfan Rakedim, et ils nous ont rencontrés là, dans le plus mauvais pas. Ils ont tiré sur ton père ; lui et les chevaux se sont enfoncés dans le sable, mais Allah nous a sauvés tous deux.

— Où sont les meurtriers ?

— L’un a péri sous le sel, l’autre s’est enfui avec le chabir (guide) du côté de Fetnassa.

— Ainsi la route est submergée ?

— Oui, tu ne saurais t’en retourner aujourd’hui.

— Où mon père est-il tombé ?

— Là-bas, à trente pas. »

Omar se rapprocha autant que le lui permit la solidité du sol, regarda pendant quelques minutes l’abîme refermé sur son père, puis s’écria en se tournant vers l’Orient :

« Allah, Dieu de toute puissance et de toute justice, écoute-moi ! Mahomed, ô toi le prophète du Très-Haut, écoute-moi ! Vous, Califes et martyrs de la foi, écoutez-moi ! Moi, Omar