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UNE AVENTURE EN TUNISIE

notre bandit. Nous marchions, pour ainsi dire, sur ses talons. Mansoura n’est pas loin de la grande oasis de Kbilli, qui, à cette époque, était la résidence d’un vékil ou fonctionnaire turc.

Ce vékil gouvernait le Nifzana sous la surveillance de la régence de Tunis et commandait un poste de dix hommes.

En arrivant à Kbilli, nous nous arrêtâmes dans un café, pour nous restaurer et nous reposer quelque peu ; mais Omar ne pouvait demeurer tranquille. Il sortit et revint au bout d’une heure.

« Je l’ai vu ! dit-il.

— Où ?

— Chez le vékil.

— Chez le vékil ?

— Oui, il est son hôte, il porte de riches habits. Si tu veux lui parler, viens, on tient l’audience. »

J’étais intrigué au dernier point. Un scélérat de cette espèce chez un fonctionnaire, chez un juge ! Notre guide se trompait évidemment.

Omar nous conduisit sur une petite place où s’élevait une maison assez basse, mais cependant d’un aspect un peu moins misérable que celui des autres constructions ; ses murs de pierre n’offraient d’autre couverture que celle de la porte. Devant cette porte, quelques soldats faisaient l’exercice au son du tambour, sous les ordres d’un chef subalterne.

Nous pénétrâmes sans difficulté dans la cour ; là un nègre, accouru à notre rencontre, nous introduisit dans une grande pièce aux murailles nues, dont tout l’ameublement consistait en un misérable tapis servant de siège pour le vékil.

Ce fonctionnaire était un homme entre deux âges, aux traits insignifiants, à l’air mou ; il fumait son tabac dans une vieille pipe persane.

« Que voulez-vous ? » nous demanda-t-il brusquement. Le ton de cette question me déplut ; je répondis par une autre question.

« Qui es-tu ?

— Le vékil ! reprit-il avec étonnement.

— Nous voulons parler à ton hôte.

— Mais qui es-tu, toi ?

— Voilà mon passeport. »