Aller au contenu

Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
56
une aventure en tunisie

— Parce que cette écriture ne doit plus souiller les yeux des fidèles croyants.

— Veux-tu vraiment me faire donner la bastonnade ?

— Oui.

— Alors je vais te montrer comment un Nemsi s’y prend quand il est oblige de se faire justice lui-même. »

La petite cour était entourée de hautes murailles de trois côtés ; le quatrième se trouvait fermé par le bâtiment même dont nous sortions. Il n’y avait aucun.spectateur… Nous étions par conséquent trois contre sept. Heureusement, pour se conformer au chevaleresque usage du pays, on ne nous avait pas retiré nos armes. Le vékil ne comptait point, ses soldats me semblaient fort peu dangereux ; nous connaissions la lâcheté du Père de la Victoire.

« As-tu un cordon ? demandai-je bas à Omar.

— Oui, le cordon de mon burnous.

— Prépare-le. »

Je commandai, également bas, à Halef de courir vers la porte pour garder l’entrée.

« Essaye de te défendre ! ricanait le vékil.

— Tout de suite ! » répondis-je.

J’écartai violemment les soldats, et, m’élançant sur Abou el Nasr, je lui tirai le bras derrière le dos, appuyant mon genou entre ses deux épaules de manière à le maintenir courbé.

« Lie cet homme ! » criai-je à Omar.

Celui-ci m’avait compris ; il serrait déjà avec son cordon les bras de l’Arménien. Avant que nos gens fussent revenus de leur surprise, le scélérat se trouvait garrotté. Je tirai mon couteau et fis mine de menacer le vékil.

« Au secours ! hurlait le sergent, aux armes ! »

Là-dessus il jeta son sabre pour s’enfuir ; ses soldats le suivirent promptement, mais le vaillant Halef les tenait en joue devant la porte ; ils cherchèrent à escalader le mur.

Omar, sombre et sinistre, dévorait des yeux le meurtrier de son père ; son poignard semblait brûler sa main frémissante. Il attendit cependant mes ordres.

« Voyons, dis-je au vékil, ta vie est entre nos mains, décide-toi à réparer ton injustice.

— Que souhaites-tu, Sidi ? »