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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/74

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sur les bords du nil


sable ; sa main n’a jamais touché un vêtement féminin ! S’il se commettait avec les femmes de la terre, les fées ne le visiteraient plus. »

Je suivais avec un certain intérêt le développement du talent de Halef pour la hâblerie ; cependant il me prenait par moments bonne envie de m’emparer de son fouet du Nil et de le lui faire apprécier. Je retins ma colère, tant il me parut amusant. L’envoyé reprenait :

« Sache, Sidi, que ton maître ne touchera pas le vêtement de la malade, ni ne verra sa figure ; il lui parlera seulement à travers une grille.

— J’admire la prudence de tes paroles et la sagesse de ton discours, ô homme ! Ne comprends-tu pas que c’est justement la manière dont mon Effendi ne peut traiter la femme de ton maître ?

— Pourquoi ?

— Parce que la santé que notre grand médecin porte dans ses mains s’attacherait à la grille. Va-t’en !

— Je ne puis m’en aller, car on me donnerait cent coups sous la plante des pieds si je ne ramenais pas l’Effendi.

— Remercie ton maître de ce qu’il veut bien te réchauffer les pieds, ô misérable esclave d’un Égyptien ! Je n’envie pas ton bonheur ! Allah aléïkoum, que Dieu t’accorde mille prospérités, qu’il t’accompagne ! Va-t’en !

— vaillant Agha, encore un mot ! Mon seigneur et maître a dans son trésor plus de bourses que tu n’en saurais compter… Il m’a recommandé très expressément de te ramener avec le médecin, car il veut te faire un présent plus riche que tous ceux que le khédive pourrait t’offrir. »

Le patient négociateur avait frappé juste ; il empoignait mon Halef d’une façon à laquelle un Oriental ne résiste jamais. Le petit majordome changea promptement de ton ; il reprit avec une voix presque câline et cependant toujours ironique :

« Allah bénisse tes lèvres, mon ami ! mais une piastre dans ma main me paraît préférable à dix bourses dans celles d’un autre. Tes mains à toi sont maigres comme les pattes du chacal pris au piège, sèches comme le sol du désert.

— N’hésite pas à suivre le conseil de ton cœur, viens chez mon maître, ô mon frère.

— Ton frère, homme ! Souviens-toi que tu es un esclave, et