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IIe PARTIE. — ÉCRITS ET GÉNIE.

l’incrédulité[1]. » Dans son oraison funèbre d’Anne de Gonzague et dans son sermon sur la divinité de la religion, Bossuet tonnait de sa plus forte voix contre l’incrédulité envahissante, et franchissant le XVIIIe siècle, il prévoyait l’indifférence moderne, terme fatal auquel, après une lutte acharnée, l’erreur devait aboutir. Même au milieu de la contrainte et des réserves hypocrites que la piété sévère et morose de Louis XIV vieillissant imposait au libertinage, La Bruyère pouvait écrire son chapitre des esprits forts. Et si nous voulions pénétrer dans les ombres épaisses où se cachait l’impiété, nous la verrions semer ces germes d’erreur et de débauche qui n’attendent, pour éclore aux flambeaux des orgies de la régence et étaler leurs fruits corrompus, que le coucher du soleil, que le dernier soupir de Louis XIV. Comme tous les génies profondément religieux de cette époque, Pascal entendait bien gronder la tempête, et il ne comprenait pas qu’il avait lui-même fourni des vapeurs au nuage. Mais l’incrédulité comprenait pour lui. Elle voyait bien qu’on tuait la religion dans les Jésuites, que le fer qui les immolait allait être, par d’autres mains, retourné contre le christianisme lui-même.

  1. Lettres XLV et VI des Nouvelles Lettres, citées par M. Sainte-Beuve, t. III, p. 229.