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LA VIE ET L’ŒUVRE

Sans faire complètement abnégation de sa personnalité, sans se laisser aller aux rêveries extatiques de l’éther, du chloroforme ou de l’opium, Maupassant demandait quelquefois aux simples parfums, aux « symphonies d’odeurs », la volupté des sensations imprévues. Il était particulièrement accessible à toutes les impressions de l’odorat, comme plus suggestives que les autres : chaque senteur évoque un souvenir et provoque un désir :

Que de fois une robe de femme lui avait jeté au passage, avec le souffle évaporé d’une essence, tout un rappel d’événements effacés ! Au fond des vieux flacons de toilette, il avait retrouvé souvent aussi des parcelles de son existence, et toutes les odeurs errantes, celles des rues, des champs, des maisons, des meubles, les douces et les mauvaises, les odeurs chaudes des soirs d’été, les odeurs froides des soirs d’hiver, ranimaient toujours chez lui de lointaines réminiscences, comme si les senteurs gardaient en elles les choses mortes embaumées…[1].

Et toutes ces « odeurs errantes », l’écrivain les aimait, les recherchait pour l’ébranlement mystérieux qu’elles communiquent à l’imagination, pour toutes les sensations accessoires dont elles s’enrichissent. En elles se fondent toutes les sensations de jouissance : « l’air tiède, embaumé, plein de senteurs d’herbes et de senteurs d’algues, caresse

  1. Fort comme la mort, édition Ollendorff illustrée, pp. 101-102. Cf. Idylle (Miss Harriet, pp. 228-229).