Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/64

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situations divertissantes, il a composé de charmants récits, qui sont parmi les plus expressifs et les plus vrais qu’il ait contés : l’Héritage, la Parure, À cheval, mettent en scène des personnages que l’auteur avait dû rencontrer, et si le héros de la nouvelle En famille[1] est employé au Ministère de la Marine, ce n’est certainement point par une simple coïncidence.

J’étais un employé sans le sou… J’avais au cœur mille désirs modestes et irréalisables qui me doraient l’existence de toutes les attentes imaginaires… Comme c’était simple, et bon, et difficile de vivre ainsi, entre le bureau à Paris et la rivière à Argenteuil ! Ma grande, ma seule, mon absorbante passion, pendant dix ans, ce fut la Seine. Ah ! la belle, calme, variée et puante rivière, pleine de mirages et d’immondices ! Je l’ai tant aimée, je crois, parce qu’elle m’a donné, me semble-t-il, le sens de la vie[2] !…

Ces lignes, qu’il écrivait, quinze ans après, songeant avec un mélancolique regret aux joies simples de son insouciante jeunesse, expriment très exactement ce qui fut, entre 1872 et 1880, la plus chère préoccupation de Maupassant ; la rivière, la Seine entre Asnières et Maisons-Laffitte, les parties de yole, les levers du soleil dans les brumes matinales

  1. En famille parut pour la première fois dans la Nouvelle Revue du 15 février 1881.
  2. Début de la nouvelle intitulée Mouche, dans l’Inutile Beauté (1890).