16 LES ÉVANGILES.
adepte d’Hégel qu’une idée. Celui-ci ne niait point, à la vérité, l’existence réelle de Jésus-Christ ; mais, comme la vie héroïque que lui supposaient les Evangiles n’était qu’un produit pur de l’esprit humain, sans réalité objective, il est vrai de dire que, selon Strauss, le Christ évangélique était tout idéal. Le même système qui avait fait du monde et de Dieu une pensée abstraite, pouvait bien faire de Jésus-Christ une autre abstraction. Au fond, ce n’était là qu’une conséquence du système hégélien. D’un autre côté, les hypothèses forcées des exégètes soulevaient tant de difficultés, tant d’impossibilités, que ceux-là même qui les avaient adoptées au commencement avec ardeur en sentaient le néant. Strauss déclara donc que l’évangile primitif écrit et que l’évangile primitif oral étaient de vains fantômes, mis à néant par le simple bon sens ; qu’il fallait être conséquent avec soi-même. Si les miracles étaient faux, les autres actions de la vie du Christ étaient supposées. Le Christ évangélique n’a point eu de vie réelle ; la somme des idées juives sur le Messie avait fini par prendre un corps. Les Evangiles sont nés du besoin de rendre objective la pensée messianique, lentement élaborée dans les esprits. S’il y a eu un Jésus réel, il n’y a eu réellement aucun Christ. Point d’incarnation effective ; point de rédemption historique : les Juifs ont appliqué à un homme le rêve de leur imagination. Les Evangiles sont le récit d’une simple évolution de la pensée. Quelque choquant pour le bon sens que fût le système de Strauss, un esprit clairvoyant pouvait en prévoir l’apparition. Strauss ne fai-