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CINQUIÈME LEÇON. 89

truit pas plus l’harmonie du drame humain que le prodige ne détruit l’harmonie de la nature dans la sphère physique. Car, il ne faut pas l’oublier, le miracle n’est ni un renversement de l’ordre, ni un fait contre nature, ni un acte violent. Le miracle, loin de nuire à l’harmonie du drame humain, la rétablit. En effet, au règne de la violence le christianisme a substitué le règne du droit ; au conflit désordonné de philosophies stériles a succédé la lutte salutaire de la vérité absolue contre l’erreur. La logique de l’histoire, la série des effets et des causes ne seront point détruites. On s’en convaincra en étudiant l’établissement du christianisme. Le règne du Christ sera longtemps préparé, non-seulement au sein du peuple juif,mais encore au milieu des nations. A l’approche de ce règne la situation morale et politique des enfants d’Israël s’empire graduellement, et bientôt devient si intolérable que l’attente surexcitée du Messie devient sa seule espérance ; et cette espérance, par suite de causes diverses, devient un sentiment si vif, une foi si ardente, qu’elle passe du cœur des juifs dans les préoccupations et les aspirations des gentils eux-mêmes. Les oracles païens se troublent et annoncent l’ordre nouveau :

Ultima Cumœi venit jam carminis œtas ;

Magnus ab integro sœclorum nascitur ordo...

Jam nova progenies cœlo dimittitar alto !

L’ère des grandes philosophies est dès longtemps passée : l’intelligence humaine fatiguée et comme épuisée sent le besoin de chercher en dehors d’elle-même un appui dans