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PALESTINE.

Oui, dix sous pour te faire friser… tu serais si beau si tu voulais… fais-toi friser.

RAFAEL.

J’vas prendre une chope. (Madame Palestine entre dans la chambre qui est à gauche. — À part avec désespoir.) Émile !… elle aime Émile !

Il sort par le fond


Scène VI

JEANNE.

Émile !… eh bien oui, je l’aime… Émile ! et comment pourrais-je ne pas l’aimer ?… C’était le 15 août à l’esplanade des Invalides devant la baraque d’un magicien… « Entrez, messieurs… entrez, mesdemoiselles… criait le magicien… c’est cinq sous que ça vous coûtera… mais vous n’aurez pas à les regretter… venez voir dans le miroir magique la figure de celui ou de celle que vous aimerez… » Curieuse et rougissante, je m’élançai, je montai l’escalier, j’allongeai mes cinq sous, j’entrai dans la baraque et je me trouvai en face d’un grand rideau de serge verte… Attention… dit le magicien, je vais tirer la ficelle… Et alors, Monsieur, je verrai la figure de celui que je dois aimer ?… Un peu que vous la verrez !… et il tira la ficelle… Je regardai dans le miroir et j’aperçus une foule énorme ! cet imbécile de magicien avait oublié de fermer la porte de son bazar, si bien que ce que je voyais dans le miroir magique, c’était l’esplanade des Invalides… toute entière… c’était pour voir ça que j’avais donné cinq sous… Je sortis furieuse… En redescendant, je rencontrai un jeune homme qui tenait ses vingt-cinq centimes à la main… En m’apercevant, il les remit précipitamment dans sa poche. J’ai vu ce que je voulais voir, me dit-il… et je l’ai vu pour rien… Ce fut ainsi que je le rencontrai… ce fut à partir de ce jour que nous commençâmes à nous aimer.