Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/138

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Chapitre V.
LA PHRASE.

103. — La structure de la phrase arménienne ne diffère pas essentiellement de ce qu’on observe dans les autres langues indo-européennes anciennes : l’Évangile a pu être traduit du grec littéralement, avec maintien de l’ordre des mots du texte grec, sans que l’aspect de la traduction diffère gravement de celui des ouvrages arméniens originaux. On ne saurait entrer ici dans le détail des règles relatives à la phrase arménienne, et l’on marquera seulement quelques-unes des principales particularités sur l’explication desquelles la grammaire comparée donne quelques lumières.

A. RÈGLES D’ACCORD.

104. — Le nombre et la personne du verbe sont ceux que fait attendre le sujet : sur ce point l’arménien n’a rien innové, sauf ceci que la disparition du genre a entraîné la disparition de l’usage indo-européen conservé par le grec : τὰ ζῷα τρέχει (ta zôa trechei) sauf çà et là sous l’influence de l’original grec traduit.

En revanche l’accord de l’adjectif avec le substantif auquel il se rapporte ne se fait pas dans un très grand nombre de cas et les règles d’accord sont multiples et fuyantes. Le point de départ de cette innovation se laisse encore aisément reconnaître : c’est la forme du nominatif pluriel qui se confondait phonétiquement avec celle du nominatif singulier, et qui n’en a été différenciée que par la présence de -k‘ –ք (v. §§ 26 et 34) : or le -k‘ –ք ne figure pas partout, et tout se passe comme s’il avait été employé là seulement où la clarté l’exigeait. Sans ce -k‘ –ք, la forme du nominatif pluriel est le plus souvent identique à celle du nominatif singulier et apparaît dépourvue de toute flexion ; comme, d’autre part, le nominatif et l’accusatif singuliers sont toujours identiques au singulier, dans les noms arméniens autres que le pronom personnel, la forme sans