Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143

gr. ὄνομα (onoma) ; ayr այր « homme », gr. ἀνήρ (anêr) ; astł աստղ « étoile », gr. ἀστήρ (astêr) ; atamn ատամն « dent », gr. ὀδών (odôn) ; im իմ « de moi », gr. ἐμέ (eme) ; inn ինն « neuf », gr. ἐννέα (ennea), etc.) ; — formation identique de kanay-k‘ կանայ-ք et de γυναι- (gunai-) (§ 28 fin) ; emploi commun de *-bhi comme finale d’instrumental singulier (§ 36) ; formation semblable du loc. sg. en *oǰ, –ոջ, gr. -οθι (othi) (§ 39) ; de la forme à *-ŏ, arm. erko-, gr. δύο (duo) (§ 70) ; des présents en -nem –նեմ et en -anem –անեմ, gr. -νω (-nô) et -ανω (-anô) (§ 76) ; des déverbatifs en -*ou- : arm. -uçanem –ուցանեմ, cf. le type gr. ὀρούω (orouô) (§ 85) ; usage commun de présents à redoublement (§ 81 bis) ; — emploi de la racine *ser- (avec des suffixes différents) au sens de « aller, venir », arm. ert‘am երթամ, gr. ἔρχομαι (erchomai) (§ 102) ; procédé semblable dans la négation oč̣ ոչ, gr. οὐ (M.S.L. XXIII, p. 222) ; similitude d’emploi entre bam բամ, bas բաս, bay բայ « dis-je, dis-tu, dit-il » et lesb. φαι (phai) (Schwyzer, K. Z. LVII, p. 242 sq.), etc.

110. — Les anciens mots indo-européens ne forment qu’une petite partie du vocabulaire arménien. On a déjà vu plus haut (§ 2) quelle est l’importance des emprunts à l’iranien. Les emprunts au grec et au syriaque ont aussi été caractérisés ; on notera, à propos de ceux-ci, que les mots proprement arméniens se sont, sous l’influence des langues savantes voisines, chargés de sens qu’ils ne possédaient pas par eux-mêmes ; ainsi erēç երէց « ancien » a pris la signification de « prêtre » sous l’influence du gr. πρεσβύτερος (presbuteros) : au lieu d’emprunter le mot, comme l’a fait le latin de l’époque chrétienne, l’arménien a simplement emprunté le sens ; l’autre mot signifiant « prêtre », k‘ahanay քահանայ, est au contraire un emprunt au syriaque.

L’iranien, le grec et le syriaque sont les langues auxquelles l’arménien a notoirement beaucoup emprunté ; mais il y en a eu sans nul doute beaucoup d’autres. Par exemple le mot gini գինի « vin », visiblement apparenté au gr. ϝοῖνος (woinos), n’est pas pour cela un mot indo-européen ; c’est un mot méditerranéen qui se retrouve en sémitique et aussi dans le géorgien γvino et les autres langues caucasiennes du sud. L’arménien a quelques mots qui semblent assyriens et qu’il a reçus on ne sait par quel intermédiaire, ainsi knik‘ կնիք « sceau » ; le ł ղ de ułt աւդա « chameau », en regard de l’av. uštra-, skr. úṣṭraḥ, ne paraît pouvoir s’expliquer que par un passage de s à l qui est justement attesté en assyrien. La ressemblance de arm.