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Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/43

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celles-ci en ce que les voyelles indo-européennes avaient une quantité fixe et que ă, ĕ, ŏ, s’opposaient ā, ē, ō, tandis que les voyelles arméniennes n’ont pas d’oppositions de quantité : la perte des oppositions quantitatives qui étaient l’un des traits essentiels du phonétisme indo-européen tient à l’importance prise en arménien par l’accent ; l’accent d’intensité très fort du germanique a de même ruiné toutes les anciennes oppositions de brèves et de longues et en a créé de nouvelles à la place. Il ne suit d’ailleurs pas de là que les voyelles longues et les voyelles brèves indo-européennes aient abouti en arménien à un même résultat ; car les différences de quantité ont entraîné des différences de timbre ; les longues se sont fermées, et ē, ō ont été par suite autrement traités que ĕ et ŏ ; pour a seulement, il n’y a pas eu changement de timbre, et la longue et la brève ont été confondues.

I.-e. donne arm. a ա : acem ածեմ « je conduis », cf. skr. ájāmí, gr. ἄγω, lat. agō.

I.-e. donne arm. e ե : cer ծեր « vieillard », cf. gr. γέρων ; quand la voyelle e est partiellement nasalisée, devant nasale suivante, elle se ferme en i : cin ծին « naissance », cf. gr. γένος ; lat. genus ; im իմ « de moi », cf. gr. ἐμέ.

I.-e. donne arm. o ո : hot հոտ « odeur », cf. gr. ὀδμή, lat. odor ; devant nasale, o se ferme en u : hun հուն « chemin », cf. lat. pons. Pour quelques mots on s’est demandé si i.-e. n’y serait pas représenté par arm. a ա, mais, comme il est impossible de faire entrer ces cas dans une règle, on ne saurait admettre qu’il s’agisse d’un ancien o ; par exemple l’a de akn ակն « œil » doit être un ancien *a substitué à un degré vocalique sans e de l’initiale, cf. l’a de lat. aurēs « oreilles » en regard de l’o du génitif homér. οὔατος.

I.-e. donne arm. a ա, tout comme ă, ainsi am-a-w ամաւ « par l’année », cf. l’instrumental pluriel skr. sám-ā-bhiḥ.

I.-e. donne arm. i ի et i.-e. arm. u : mi մի (négation prohibitive), cf. gr. μή, skr. mā́ ; turk‘ տուրք « don », cf. gr. δῶρον, v. sl. darŭ.

De plus, là où il subsiste, l’i.-e. défini par la correspondance skr. i = gr. ă, lat. ă, est représenté par arm. a ա, comme ă ou *ā ; à skr. pitā́, gr. πᾰτήρ, lat. păter répond arm. ha-yr հայր « père », comme à skr. mātă, dorien μᾱ́τερ, lat. māter répond, arm.