Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/54

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d’exemples pour le traitement de i.-e. *y en arménien ; si l'on rapproche ǰur ջուր « eau » de lit. júres, v. pruss. juryay « mer », et ǰanam ջանամ « je m’efforce » de gr. ζήλος, c’est ǰ ջ qui représente *y et ce traitement n’a rien de surprenant, étant donné que, à l’intérieur du
 mot, dans diverses positions, *y aboutit à arm. ǰ ջ. Quant au *y intervocalique, il est tombé, comme en grec, et sans doute dès avant les chutes de voyelles en syllabe finale, ainsi : erek‘ երեք « trois » de *treyes, cf. skr. trâyah, v. si. trïje ; de même le -e- des dénominatifs en -e-, tels que sirem սիրեմ « j’aime » de sër սկր « amour », représente *-eye-, cf. skr. -aya-, et le -a- des dénominatifs en -a-, tels
que yusam յուսամ « j’espère » de yoys յոյս « espoir », représente, au moins partiellement, *-âye-y cf. skr. -âya-. Après n, r, l, l’i.-e. *y donne arm. j ջ՛. sterj U Ut Lit 9 « stérile », cf. gr. areXpa (de*arépyd) ; anurj ւսՆ ո « songe », de *anoryo-, cf. gr. 8veepo> (de *ovspyov) ; ol] ողջ « entier », cf. irl. uile (de *olyos) ; mun] մունջ « muet », de *munyos (?), cf. gr. ;tùv֊doçy lat. mü-tus, skr. mâ-kah ;jnjem ջնջեմ « j’essuie, je nettoie », cf. peut-être gr. 0etv<o « je frappe » (de *gwhenye-). Le groupe *ky aboutit àç չ dans : tôk‘
աչք « les yeux », formation sans doute analogue à celle de gr. oooe de
*okwye, cf. v. si. oci et en tout cas dans խ չու « départ », cf. skr. cyâvate « il se met en mouvement », gr. <rsôw (de *kyew-) « je mets en mouvement ». Le traitement de *dhy est indiqué par me] մէջ « milieu », cf. skr. mâdhyah, lat. médius : *dhy a donné y], dont le J ջ subsiste entre voyelles. Quant à *sy} le seul témoignage est la
finale de génitif -oy —nj des thèmes en -o —n du type mard մարգ « homme », génit. mardoy մ արգոյ, qu’il est tentant de rapprocher de -asya de skr. mârtasya et de -oto de l’homérique fiporoîo « de
l’être mortel, de l’homme ».

L’arménien possède donc un y յ ; deux sortes de w : w ւ et v վ ; deux r : r ր et r ռ (r roulé) ; deux l : l լ (l palatale) et ł ղ (l vélaire) ; n ն et m մ, soit neuf phonèmes distincts, là où l’indo-
européen en avait six : *y, *w, *r, *l, *n, *m.

V. LA SYLLABE.

24. — Si l’ on se fiait à la graphie, l’arménien serait une langue 
renfermant des groupes de consonnes très complexes ; mais, à cet égard, la graphie ne traduit pas la réalité. En arménien moderne