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harc̣ հարց « des pères », il doit représenter *-sk et non *-ks- (v. § 15) ; et en effet Bugge a proposé (dans ses Lykische Studien I, 74) de considérer comme représentant un suffixe, non une désinence. Bien qu’il se soit égaré dans un rapprochement de avec la finale préhellénique -σσος, Bugge a posé un principe qui est à retenir. Dans cette hypothèse, –ց représenterait le nominatif et l’accusatif singuliers de formes à suffixe secondaire *-sko-, comparables à v. sl. nebesĭskŭ « du ciel », dérivé du thème nebes- de nebo « ciel » ; ainsi k‘noç քնոց serait un ancien *swopno-sko-s, *swopno-sko-n et aurait tenu d’abord la place d’un génitif complément de nom, puis aurait pris les valeurs de datif et d’ablatif ; de même -aç –աց, -iç –ից, -uç –ուց représenteraient *-ā-sko-s, *-i-sko-s, *-u-sko-s et l’on s’expliquerait la présence régulière de la voyelle caractéristique de chaque série.

38. — Le génitif-datif-locatif singulier en -i ի et -u –ու des thèmes en -i- et en -u-, soit srti սրտի et zardu զարդու, ne répond ni au génitif en -eḥ, -oḥ, du sanskrit, -ës, -aus du lituanien, -ais, -aus du gotique, ni au datif en -aye, -ave du sanskrit, -i, -ovi du slave, ni au locatif en *-ē(i) ou *-ō(i), *-ē(u) ou *-ōu ; car l’arménien répondrait à ces formes des thèmes en -i- et en -u- par zéro pour le génitif et le locatif, par *-ē et -ew pour le datif. C’est à des formes comme génit. -iyaḥ, -uvaḥ, dat. -iye, -uve du sanskrit, génit.

ος, -υ(Ϝ)ος dat. -ī, -υι du grec que répondent arm. -i –ի et -u –ու ; un génitif-datif arm. srti est donc comparable à un génitif ionien πόλιος. La confusion des thèmes en -ĭ- et -ī-, en -ŭ- et -ū- est sans doute pour beaucoup dans la création de cette forme, mais il faut aussi tenir compte d’autres actions ; ici, comme en tant d’autres cas, le détail échappe, puisqu’on se trouve en présence d’un paradigme arménien régulier sans exception et qu’aucun intermédiaire n’est attesté.

Le génitif-datif-locatif singulier en -i –ի des thèmes en -a-, ainsi ami ամի est énigmatique ; il répond peut-être au génitif également énigmatique des thèmes correspondants de l’irlandais : túaithe, génitif de túath « peuple » (ancien thème *teutā-), ainsi qu’au génitif sg. indo-iranien de thèmes en -ā- : skr. senāyāḥ, v.-p. haināyā (cf. Mélanges d’Arbois de Jubainville, 1906, p. 229 sq.). — Le génitif en -ay –այ est limité au cas des noms propres tels