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les procédés d’enquête

posée — qui est en principe la langue générale du pays — risque d’influencer le sujet local et de le détourner de son parler propre. Pour avoir une réponse, et une seule, par localité, on est amené à interroger un sujet unique ; et, puisque le parler local n’est pas un, ce sujet est plus ou moins impropre à représenter l’ensemble du parler. Le procédé est grossier, approximatif. Mais il est le seul possible.

On peut envisager deux manières de faire l’enquête. Ou bien l’on remet un questionnaire qui est rempli sur place par une personne aussi qualifiée que possible pour indiquer la façon dont les choses se disent dans le parler ; c’est ainsi qu’on a procédé en Allemagne. Ou bien l’on envoie un enquêteur qui, sur chaque point examiné, interroge un sujet un et note lui-même la réponse ; c’est ce qui a été fait pour l’atlas des parlers gallo-romans. Muni d’un questionnaire préparé par M. Gilliéron, M. Edmont a visité seul toutes les localités qui devaient être examinées, il a choisi un sujet unique dans chacune et a noté la façon dont ce sujet rendait les phrases du questionnaire. L’avantage de ce second procédé, c’est qu’il offre des témoignages rigoureusement comparables entre eux, et que l’on n’a pas à tenir compte des déformations qui résultent de la personnalité d’enquêteurs divers. Cet avantage est si grand que, pour les enquêtes faites par la suite, on a recouru à ce même moyen, et que, par exemple, pour l’atlas des parlers romans (autres que les parlers du type français) de la Suisse et des parlers italiens du Nord qu’ont organisé MM. Jaberg et Jud, un seul observateur, M. Scheuermeier fait toute l’enquête.

À première vue, les résultats obtenus par des procédés aussi sommaires pourraient paraître suspects. Mais les