Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/157

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les ouvrages : ils donnent tous, sinon le mensonge, au moins l’a peu près du vrai, et rien que cela ! Pourquoi ? à cause de l’impuissance personnelle des auteurs ? Non pas. Aristophane, Shakespeare, Molière, Hugo, George Sand, Balzac, Flaubert, et M. Émile Zola nous eussent fait voir la réalité même, s’il eût été possible de nous la faire voir en effet ! Mais cette possibilité n’existe pas, parce que nul homme ne saurait se soustraire à lui-même, parce que nous avons tous entre les deux sourcils quelque chose, — hélas, qu’est-ce ? — qui veut, qui espère, qui craint, qui aime ou hait, qui pense ou rêve, et que ce quelque chose, — notre personnalité même, — s’insinue, se répand, avec ses fringales abjectes, dans tout ce que nous faisons, emplit notre œuvre, devient notre œuvre elle-même.

Un seul écrivain a failli peindre la vie telle qu’elle est, dans ses petitesses, il est vrai : Henri Monnier, qui observait et ne pensait pas, — n’importe quel passant aux yeux grands ouverts. Voudrais-tu être l’enfant de cet homme, Nana, toi qui es la fille d’un des a inventeurs » les plus puissants du dix-neuvième siècle ?