Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/57

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d’un rêve qui leur rend l’horrible passé ! Donc, l’ami du comédien-poète en était là : le pâle cadavre bien-aimé sur le lit dans une chambre garnie, et pas d’argent! Cette horrible extrémité, il l’avoua à Glatigny, ajoutant qu’il s’était adressé à je ne sais quelle administration, — il paraît qu’il en est de telles, — qui avait consenti à faire l’avance des frais mortuaires ; mais, le lendemain, à huit heures du matin, il fallait donner deux louis aux gens qui viendraient pour emporter la défunte ; sinon l’enterrement n’aurait pas lieu. « Soyez tranquille, dit Glatigny, demain, à huit heures précises, je vous apporterai les quarante francs. » Comment s’y prit Glatigny pour réaliser cette somme énorme ? C’est ce que j’ignore. Des avances de pièces de cinq francs dans quelques journaux amis, des camarades du quartier latin, que sais-je ? Tout ce qu’on peut faire honnêtement, Glatigny le tenta, et il réussit. À onze heures du soir, il avait la somme, exactement. Il l’enferma avec soin chez lui, dans un tiroir, puisqu’il lui suffirait de l’apporter le lendemain à huit heures à l’ami veuf ; et, délivré de souci, respirant librement, il alla se promener par les rues.