Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/64

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Comme tout est changé, vieux maître !
Le rimeur ne s’ose permettre
Le moindre virelai d’amour ;
La fantaisie a dû se taire,
Le poète est utilitaire
De Molinchard à Visapour !

Il n’est plus de stances ailées,
Phébus marche dans les allées
Des bois, en bonnet de coton,
Ainsi qu’un vieillard asthmatique !
Voici le règne fantastique
Du monstre roman-feuilleton.

On fait un drame au pas de course.
Dans l’intervalle de la Bourse,
Et le bourgeois qu’on porte au ciel,
Le bourgeois au nez écarlate,
Graisse la main à qui le flatte :
De l’argent, c’est l’essentiel !

Au lieu de l’extase féerique
Dont vibrait la corde lyrique,
On n’entend plus que de grands mots
Vides de sens et pleins d’enflure ;
Adieu la fine dentelure
Des vers étincelants d’émaux !