Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poésie. Puis, un jour, pour aller rejoindre je ne sais quelle troupe de comédiens errants, il partit pour la Corse, et, en Corse, il lui survint une aventure véritablement chimérique, sans laquelle son roman comique, à la fois burlesque et navrant, n’eût pas été complet.

Dans le village de Bocognano, où il était arrivé un soir, à pied, selon son habitude, un gendarme le prit pour Jud ! oui, pour l’assassin Jud dont tout le monde s’inquiétait encore.

Rien de plus invraisemblable que cette histoire absolument vraie.

Le gendarme s’appelait Thessein.

Les tourments abominables qui furent imposés à Glatigny par cet extraordinaire maréchal-des-logis, le poète les a racontés lui-même dans un livre intitulé : le jour de l’an d’un vagabond.


En même temps, une bouffée d’haleine alcoolisée m’arrive en plein visage. Je me retourne, et, pour la première fois de mon existence, j’aperçois la mâle figure de Thessein. Ô Thessein ! joie de mes souvenirs ! gaieté de mes années futures ! c’était toi, majestueusement ivre, superbe à voir comme un gendarme de Robert-Macaire ! Quelles moustaches formidables ! Quels yeux d’un bleu férocement enfantin ! Quelles pattes ! Hélas ! mes pieds en ont gardé une pénible souvenance pendant un mois !