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GLORIANE

chambres, dont je ne comprenais pas le sens, mais dont la sonorité m’entrait dans l’oreille comme une liqueur chaude et me grisait ; — ou bien regardant, avec une fixité telle que ma vue se troublait enfin, les tableaux pendus aux murailles : pâles martyrs sans vêtements, étirés sur des croix, jeunes hommes penchés qui tendaient des bras de chair blanche vers des nudités endormies. Ces formes, où j’envoyais ma vie, s’animaient, se tournaient vers moi ; elles aussi prononçaient les paroles mystérieuses qui me mettaient des flammes sous le front et des brûlures aux pommettes : je me sentais les mains toutes moites ; j’avais des chaleurs partout. Quelquefois je m’élançais, je grimpais sur une chaise, sur un meuble, pour atteindre les vivantes images, et je collais mes lèvres aux bras nus, aux beaux visages, haïssant les peintures de ne pas me rendre mon baiser, égratignant la toile plate qui ne voulait pas se plier à mon enlacement.

« La nuit, des songes. Étaient-ce des songes ? Non, des visions vagues, palpables pourtant. Aucun être précis, pareil à ceux qui vivent, mais des approches, des contacts, des caresses. Je m’éveillais, hagarde, des sueurs aux tempes,