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GLORIANE

duchesses, la bouche un peu grasse d’une Parisienne qui rit ; nu-cou, poitrine vaste et largement découverte, elle émanait, toute de neige et d’or, comme une sirène d’un flot, d’une robe de satin vert de mer, sans manches, dont la jupe courte, çà et là rebroussée par des touffes de fleurs marines, coulait sur une première jupe de tulle très bouffante et prolongeant les petites vagues mousseuses de ses vingt-quatre volants dans une traîne d’écume et d’algues.

C’était la toute-puissante et la toute-belle.

Sur son passage chuchotaient les admirations et les respects. Autrefois, toute proche encore des hasards où sa verve aventurière avait ensorcelé le destin, dans l’orgueil récent de la conquête, elle s’était plu à entendre ce murmure des flatteries ; elle avait aimé les fêtes qui célébraient la grâce de sa jeune Majesté. Puis des années s’écoulèrent. Les reines aussi vieillissent. On est très belle, on songe qu’on ne le sera pas toujours. La fatigue vient, des gloires et des joies toujours renouvelées. Qui sait d’ailleurs ce que l’avenir réserve aux plus triomphants ? Ce qui est inconnu sera peut-être terrible. Mais la peur de tout perdre ne chasse pas l’ennui de tout posséder ; on est