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GLORIANE

être, par ingénuité d’orgueil, venait en aide fort à propos à ses ressources personnelles, assez diminuées probablement ; il devait avoir été riche et devait être pauvre ; car il ne dépensait guère, sinon tout à coup, par saccades ; des habitudes de prodigue qui n’a plus de quoi l’être.

Un autre bénéfice de ses dignités, c’était qu’elles lui permettaient de prendre, — et il s’y entendait à ravir, — les airs un peu mystérieux et sibyllins des personnes de cour ; un chambellan, autant dire un diplomate. Il excellait à émettre sur les événements politiques, sur les personnages illustres, empereurs, rois, princes, ministres, des opinions à demi exprimées en quelques brèves paroles qui semblaient contenir un sens étrangement profond. Les péchés intimes des boudoirs augustes, il les connaissait tous, certainement ; seule, une discrétion, qui commandait l’estime, l’empêchait d’en parler autrement qu’à mots couverts ; on pouvait deviner, il ne s’y opposait pas ; même il complimentait les auditeurs perspicaces par une espèce de sourire entendu qui signifiait : « Oui, oui, c’est cela, vous avez mis le doigt dessus ; » mais il n’avait rien dit ! Oh ! il s’était bien gardé de rien dire !