Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
LE ROI VIERGE

quiétude vague, inexprimée, constante, à cause des pensées de cette femme silencieuse, là-bas. Et jamais elle n’avait quitté l’une ou l’autre de ses retraites, sans qu’un grand événement religieux ou politique, sans doute prévu et peut-être prémédité par elle, ne sortît en même temps du mystère de la destinée.

Elle avait cinquante ans. Maigre, osseuse, la peau couleur des vieilles cire, le front sans rides entre de longs bandeaux gris, les yeux nets et durs comme de l’acier noir, le nez viril, mince, qui se cambre en une courbe presque aussi roide qu’une cassure, et le menton très long sous une bouche ferme, aux lèvres blêmes, qui, même en parlant, semble ne pas s’ouvrir, elle était enveloppée, du col aux chevilles, d’une robe sombre, d’étoffe commune, qui descendait en longs plis droits ; à cause de son attitude dominatrice, que contredisait la trivialité du vêtement, elle avait l’air d’on ne sait quelle morne servante à qui l’on obéit.

Dès qu’elle fut entrée, les oiseaux cessèrent de gazouiller des louanges, les frondaisons devinrent immobiles comme lorsque le vent se meurt, et la source tarit ses diamants fluides ; soit que la vo-