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LE ROI VIERGE

costume de Mlle Schneider au deuxième acte de la Périchole ! Il était extraordinaire qu’on ne l’eût pas encore fait jeter à la porte par la valetaille des palais. On craignait sans doute de mécontenter les nombreux souverains dont il était chambellan, et l’on se tirait d’embarras par ce mot : « un original ». D’ailleurs, on le trouvait amusant ; et il se sentait si bien en posture de tout hasarder, qu’un matin d’août il osa se baigner, nu, dans la pièce d’eau d’un parc princier, sous les fenêtres mêmes de la duchesse régnante.

Malgré tout cela, à cause de tout cela, si vous voulez, le prince Flédro-Schèmyl passait pour un personnage fort intéressant. Quelques-uns allaient jusqu’à l’aimer, — quelques-unes aussi, disait-on. Pourtant une chose le gâtait un peu. Il se disait Russe ; tout le monde savait qu’il était de race polonaise. « Schèmyl » est circassien ; « Flédro » est lithuanien. Cette double patrie avait quelque chose de fâcheux. On entrevoyait dans le passé du prince je ne sais quel abandon de son pays natal pour une nationalité d’emprunt, un haussement d’épaules devant les cadavres des martyrs, une acceptation souriante des crimes accomplis. Des gens avaient remarqué